
Qu’est-ce que l’hypersensibilité ? Est-ce différent de l’hyper-émotivité ? Est-ce que tous les HPI sont hypersensibles ? Est-ce que les hypersensibles sont forcément HPI (haut potentiel intellectuel)?
Tant de questions autour de ce sujet auxquelles les réponses données sont parfois floues. J’avoue qu’il m’a fallu du temps pour y voir plus clair.
L’hypersensibilité est une réaction accrue à un stimuli, une perception hautement sensible des situations, lieux, personnes, animaux, objets, etc… Elle concerne environ 20% de la population. Tous les hypersensibles ne sont pas HPI, qui ne représentent que 2% de la population. Mais les HPI, s’ils ne sont pas tous hypersensibles, sont au moins hautement sensibles.

On distingue l’hypersensibilité sensorielle de l’hypersensibilité émotionnelle.
L’hypersensibilité sensorielle s’exprime à travers les sens, odorat, ouïe, goût, vue, kinesthésique. Tous les sens sont sur-développés et permettent d’appréhender le monde par ce biais, de façon accrue et extrêmement vive. Certains seront plus prégnants que d’autres, on note souvent chez le HP une intolérance au bruit, par exemple.
On peut ici introduire la notion d’inhibition latente et son déficit.
L’inhibition latente est la capacité à sélectionner les informations sensorielles pour se concentrer sur une seule ou sur une activité. Le bruit de l’horloge finit par s’estomper si je suis occupée à écrire cet article, par exemple.
A contrario, le déficit d’inhibition est l’incapacité ou la difficulté à se concentrer car toutes les informations arrivent en même temps et il n’est pas possible de les occulter.
Le déficit d’inhibition latente est une des caractéristiques des HPI. Toutes les informations sont au même niveau.
Je dois vraiment faire un effort pour « oublier » le bruit de l’horloge qui me fait penser que je dois bientôt préparer le dîner, l’odeur du mimosas des voisins qui me fait penser que je dois semer les petits pois, la vue du chat qui me fait penser que je dois prendre rendez-vous chez le vétérinaire, etc… Tout ça en même temps. Cela constitue donc un réel effort de me concentrer sur l’article à écrire. Non qu’il ne m’intéresse pas mais parce que toutes les informations se bousculent au portillon en même temps.
L’hypersensibilité émotionnelle, elle, parle d’une exacerbation des émotions. Si les atypiques bénéficient d’un néocortex plus rapide, ils bénéficient aussi d’un émotionnel multiplié par mille. Ce qui va générer une émotion passagère et rapidement dépassée par la plupart des gens, va produire un déferlement émotionnel chez le HP, qu’il aura plus de difficultés à maîtriser.
A mon sens, la plupart des problèmes que rencontrent les zèbres sont d’ordre émotionnel car, si la machine à penser est bien huilée, la machine à émotions l’est beaucoup moins. On ne peut pas rationaliser une émotion, elle ne fait pas appel à la même zone du cerveau.
Les émotions sont reliées au système limbique, en charge du traitement de l’émotion et la mémoire ( stockée dans l’hippocampe). Le cerveau reptilien gère aussi l’émotion dans la mesure où il est centré sur le danger et relié au système sympathique et para-sympathique qui contrôlent l’instinct, réactions de fuite-attaque, paralysie (de stress).
N’avez-vous pas remarqué que ce qu’on mémorise le mieux est relié à l’émotion ?
Les sens nous ramènent aussi des évènements mémorisés. L’odeur du chocolat qui nous renvoie au souvenir de notre grand-mère par exemple.
Le néocortex est responsable de la réflexion, rationalisation, raisonnement.
Si le système limbique est saturé par l’émotion, l’information ne passe pas au niveau du néocortex, on est alors dans l’impossibilité de prendre du recul sur une situation.
J’ai tracé un tableau très succinct du fonctionnement cérébral car ce n’est pas le propos ici. Cette explication vous donne juste une idée de ce qui se passe au niveau physiologique.

L’idée de cet article est plutôt de se pencher sur la vie de tous les jours quand on est hypersensible, comment faire une force de son hypersensibilité.
La première des choses à comprendre, c’est que l’hypersensibilité n’est ni une maladie, ni un handicap. C’est une façon différente d’appréhender le monde. D’ailleurs, ce pourrait être un résumé de la définition du zèbre : une façon différente de voir et aborder le monde par rapport aux non-HPI.
C’est cette sensibilité à fleur de peau qui donne l’intuition, l’empathie, ouvre le cœur. En quoi est-ce une maladie ? En quoi le fait de s’émerveiller devant les premières fleurs du printemps, prendre le temps d’enlever l’araignée de la douche pour ne pas la noyer, pleurer devant une scène de cinéma triste, avoir de la compassion pour la misère dans le monde sont un handicap ?
Cessez d’écouter ceux qui vous disent que vous êtes anormal(e) parce que vous ne supportez pas une étiquette qui gratte, parce que vos oreilles ne tolèrent pas les cris stridents des enfants, parce que vous pleurez quand un animal souffre, etc…. la liste est longue.
Vous n’êtes pas anormal(e), cette hypersensibilité fait partie de vous, comme la couleur de vos yeux ou votre taille. Il est vraiment important de réaliser que tout ce que vous avez entendu, le rejet et la moquerie par rapport à votre sensibilité a eu un impact sur vous. Comment pourrait-il en être autrement quand on est hypersensible ?
Et peut-être que cela vous a invité à taire cette sensibilité, la voir comme une inadaptation au monde, voire à vous sur-adapter pour rentrer dans la norme et adopter un faux-self* pour vous protéger. Quelle souffrance de renier une partie de soi, pour être « comme tout le monde » et accepté (ce qui est une illusion).
L’être humain est un animal grégaire. Sortir du troupeau représente un danger pour celui-ci, tout sera donc fait pour ramener le mouton noir en son sein, en essayant de lui faire croire qu’il est blanc.
Autant demander à un dragon de rentrer dans la peau d’une souris.
Si l’image fait sourire tant elle parait impossible, c’est pourtant ce que nous nous demandons pour se sentir dans la norme et donc en sécurité. Mais à quel prix ?
Alors respectons-nous, voyons cette hypersensibilité comme un don et non comme une malédiction.
En la voyant comme un don, on l’apprivoise, on en fait une force qui permet d’être plus créatif, à l’écoute de soi et des autres, plus intuitif, plus sûr(e) de soi, aligné(e) dans sa verticalité et surtout pleinement vivant.
Le dragon devient alors une monture qui nous emmène dans les étoiles.

Apprendre à accueillir ses émotions, les considérer comme des messagères du vivant en soi. Émotion vient du latin « e-movere = mettre en mouvement ». Ce sont nos émotions qui nous rendent humains, qui permettent l’action. Parce que penser, c’est bien ; mais si on n’agit pas, à quoi sert la pensée ? Cette pensée foisonnante chez le HP a besoin de s’exprimer aussi par l’action, la créativité.
C’est l’émotion qui permet à l’artiste de créer et sublimer la vie.
L’émotion vient nourrir la pensée en arborescence du zèbre puisque la mémoire est émotionnelle.
Dans son livre, les philo-cognitifs, Fanny Nusbaum décrit deux types de d’atypiques : les complexes et les laminaires. Les deux sont sur-efficients mentaux mais ne gèrent pas l’hypersensibilité de la même manière. Les complexes montrent davantage leur sensibilité que les laminaires, en apparence plus froids. On les trouve plutôt chez les artistes alors que les laminaires seront plutôt des scientifiques (c’est une généralisation bien sûr).
On a maintenant compris que cette hypersensibilité, qu’elle soit sensitive ou émotionnelle fait partie intégrante de nous et qu’il n’est pas question de l’amputer. Il est toutefois nécessaire d’apprendre à canaliser son émotionnel afin que ce ne soit pas lui qui dirige notre vie. Dans un orchestre, chaque musicien doit rester à sa place et sur sa partition, sinon la symphonie devient cacophonie.
L’émotion nous donne une indication, nous met en mouvement mais elle doit faire alliance avec les autres parts de nous, à savoir la psyché et le corps.
Tiens, parlons-en du corps. C’est lui qui permet notre incarnation, lui qui permet le mouvement, la vie, lui qui délivre des messages à travers ses symptômes, ses pathologies ou le ressenti physique de nos émotions.
Or, pour beaucoup de HP, il y a une tête qui sert à penser et dessous, deux appendices qui permettent d’aller d’un point A à un point B ! J’exagère ? Pas sûr….
La perception du corps est absente, il est très difficile d’en tenir compte voire ressentir. Apprendre à respecter et aimer son corps est tout un art. Pourtant, c’est bien lui qui va permettre de canaliser ses émotions, ses pensées. Car, cette merveilleuse et complexe machine ne cesse de se manifester pour nous dire si nous sommes en équilibre ou pas. Lui manifester notre gratitude n’est-elle pas la moindre des choses ?
Comment lui montrer notre gratitude ? En prenant l’habitude de conscientiser nos ressentis physiques, en lui permettant de s’exprimer (danse, sport, confort physique, alimentation correcte, soins, rythme biologique, etc…), en l’intégrant tout simplement à notre vie, qui ne passe pas que par la tête.
Apprenez à communiquer sur votre sensibilité. Dédramatisez la situation auprès de vos proches. Vous avez le droit de ressentir les choses de façon plus intense mais plutôt que claquer la porte pour vous isoler au fond d’une grotte, expliquez simplement que vous avez besoin d’un temps pour vous et qu’ils n’y sont pour rien.
Bon, c’est plus difficile d’expliquer cela à votre employeur (quoique, s’il est conciliant et au courant de votre douance, pourquoi pas) mais vous pouvez vous isoler à l’intérieur de vous-même pendant quelques instants lorsque le stress est trop fort.
La cohérence cardiaque* et la méditation de pleine conscience* sont de bons outils pour aider et ne demandent que peu de temps.
Exprimez et respectez vos besoins, vous y gagnerez en cohérence avec vous-même et en paix avec les autres. Faites une liste de vos besoins et prenez le temps de les respecter.
Respecter ses besoins, sa physiologie permet aussi d’éviter le burn-out.
Au-delà de ces prises de conscience personnelles, il est peut-être nécessaire de se faire accompagner pendant un temps pour apprendre à bien se connaitre. Apprendre à bien se connaitre, c’est apprendre à s’accepter avec sa différence, lâcher un tas de croyances erronées de soi, faire la paix avec soi-même, se positionner dans le monde, respecter son rythme et ses limites, oser sa créativité. Quand on a ignoré sa douance pendant des années (ce qui est le cas de nombreux d’adultes), on a accumulé beaucoup d’incompréhensions, de difficultés, de croyances, de freins et l’aide d’un thérapeute concerné par la douance peut vraiment vous aider.
Lorsqu’on a mis au clair son fonctionnement, tout prend alors sens et on est prêt à profiter du don qu’est la douance, pour soi, pour les autres et apporter sa contribution au monde.
L’hypersensibilité est une vraie richesse, un trésor que notre monde actuel a enfoui sous le poids du profit et du progrès. En libérant notre richesse intérieure, nous contribuons à mettre en lumière ce trésor.
* Faux-self : le faux-self est un masque que l’on adopte pour interagir avec les autres et protéger le soi intime.
* Cohérence cardiaque : Exercice de relaxation basé sur la respiration : on inspire en comptant jusqu’à 5, de même à l’expire, pendant 5 minutes. L’exercice répété trois fois par jour pendant un certain temps aide vraiment à se détendre.
* Méditation de pleine conscience : Méditation qui peut être de courte durée, centrée sur l’instant présent et l’attention à son environnement, à soi-même. Elle entraîne également une véritable détente ainsi qu’une plus grande clarté d’esprit.
Bibliographie :
– Elaine Aron (psychologue américaine qui travaille sur l’hypersensibilité) :
Hypersensibles – Mieux se comprendre pour s’accepter
Fanny Nusbaum, Olivier Revol, Dominic Sappey-Marinier : les philo-cognitifs
Elisa Bruguier